Extrait de mon journal avant le concert : Ce n’est pas le moment de faiblir et encore moins de douter de moi. Je dois préparer sérieusement le concert à Noise House Lat Phrao de Bangkok. Des gens croient en moi et attendent une bonne performance de ma part. Mon set electro fonctionne bien. Je dois me concentrer et m’organiser. J’ai préparé des samples comme un poème pour « Vocoder » pour ce duo « Thai Tattoo Europa Bye ».
White noise. Pink noise. Brownian noise. Blue noise. Red noise. Tattoo noise. Thai noise. Europa noise. Bye bye noise. House noise. Jetlag noise. Sex noise. Fuck noise…
L’électro un jour ça fonctionne et l’autre pas… Est-ce mon oreille qui entend un truc différent le lendemain ou mon mental qui ne comprend soudainement plus rien. Je croyais maitriser une configuration informatique sur « Live d’Ableton », mais j’ai tout oublié. La chaleur excessive dissous mes connaissances et surchauffe le processeur de mon ordinateur. Pour quelle raison rajouter une couche de sonorité électronique au son acoustique du saxophone, comme une couche de peinture affreuse sur une statue en marbre ou en or. Pourquoi brouiller le pur son du saxophone avec une avalanche de filtres, déphasage, écho ou ring modulator (addition plus soustraction de fréquence). Depuis mon ancien trio « Ring Sax Modulator », je définis cette démarche comme une métaphore de maladie électronique qui ronge le son du saxophone. J’hésite à continuer : mon matériel électronique de voyage est constitué de bric et de broc. Je préfère ne pas utiliser mon projet si je ne suis pas sûr de sa robustesse sur scène. Qui peut le plus peut le moins. Peut-être qu’un ou deux réglages sauvages pourront fonctionner. Le public de « la maison du bruit » adore les trucs expérimentaux et plutôt bruyants.
Extrait de mon journal après le concert : Je n’ai pas utilisé le poème Vocoder. J’ai fait le concert en duo avec Wannarit Pongprayoon : « Thai Tattoo Europa Bye ». La musique était réussie au delà de mes espérances mais le public de Noise House Lat Phrao n’était pas au rendez-vous. Le mixage de notre duo, à l’écoute de l’enregistrement, était plutôt raté : Wannarit aux synthétiseurs est trop derrière et moi trop devant dans l’espace stéréo. Je demande toujours une réverbération longue pour rentrer dans le mix surtout face à des machines synthétiques. Mais cette fois c’est l’inverse, on a l’impression que ce sont les machines qui sont en dehors du mix ! C’est un comble ! De plus le mélange saxo naturel et son du saxo transformé par Moogerfooger mets trop le son naturel en avant. Ce n’était pas évident à mixer et les deux jeunes à la console de mixage n’avaient aucune expérience. Ceci dit j’étais très heureux de jouer et je trouve le résultat super. C’est une des rares fois ou je ne suis pas furieux après moi de m’entendre. Il y avait deux autres groupes à l’affiche : Kota Amatuti Taki guitariste japonais dans le style bruitiste violent de Sonny Sharrock et B35 où joue mon ami Don Pengboon. Le leader est Kantaphong, excellent et dynamique joueur du traditionnel hautbois « Pi Nai ». Musique très originale, free jazz avec une thématique traditionnelle de musique Thai. Je suis très concerné par cette démarche. Kantaphong est aussi un photographe pertinent. Il a fait une série de photos très originales du duo. J’ai laissé ma valise à Jomtien et mes instruments de musique à la salle de concert. Je vais voyager léger. Fin des trois prestations vers 23h. Je m’apprêtais à retourner à mon hôtel quand une pluie tropicale s’est mise à dégringoler. Des flots de pluie tombent du ciel. Impossible de quitter la « Noise House ». J’étais épuisé de fatigue.
Encore merci à Kantaphong pour les photos.