L’année 2568


Il y avait tellement d’eau partout que j’ai arrêté juste avant de bousiller mon téléphone. Il avait détecté l’humidité et s’était mis en sonnerie d’alerte…


Les fêtes de Songkran en Thaïlande durent une semaine. Nouvel an bouddhiste de l’année 2568 en avance de 543 ans sur le calendrier grégorien. La pollution chute dans toute la Thaïlande et particulièrement à Pattaya, Bangkok et Chiang Mai ou la situation est catastrophique. Tout s’arrête sauf les commerces et les transports. Pendant les vacances, l’air redeviens normal, les activités industrielles et agricoles au ralenti. L’air est pur alors que les Thaïs sortent leur gros pick up, voitures 4×4 hyper polluant… Ils installent des tonneaux d’eau sur le plateau arrière plus une sono infernale et une dizaine d’adultes et d’enfants prêt à tout, debout avec des mitraillettes multicolores et des pistolet à eau. Ils balancent de l’eau sur les passants et les autres voitures. L’agressivité est liquidée dans le jet de liquide.

Comme des enfants les mecs ne maîtrisent plus ce qu’ils font. Ils perdent toute mesure dans le jeux et balancent des bassines d’eau sur des motos roulant sur la chaussée avec trois passagers. La moto glisse sous le choc ou dérape dans l’eau. Il y a un nombre phénoménal d’accidents stupides pendant les festivités. Les gens hurlent de joie quand l’eau glacée vient leur chatouiller la chemise a fleur. Dépense de fluide humide. Ejaculations de rires. Guérilla du sourire accompagnée du rythme de musique Thai à quatre temps « Pop, popo, pop, pop » diffusée à fond avec des grosses sonos recouvertes de sac en plastique. Brouillard de sévère picole. Embuscade aqueuse devant les bars. Guerre de polichinelle flottant. Concours sans jury de T-shirts mouillés. Les visages sont couverts de plâtre rituel. Les filles caressent le visage des garçons avec des zébrures beige. Des grosses sonos diffusent des infra basses assourdissantes qui vibrent loin alentours.

J’ai rejoué « Songkran Saxo », cette performance de théâtre musical réalisée une première fois avant le Covid. Jouer du saxo au milieu de la foule en délire le jour de la grande fête de Songkran สงกรานต์. J’avais rejoué la performance il y a deux ans à Bangkok, mais mon saxo avait été accidenté quelques jours avant et je ne jouais que de la flute Pi Mai, un instrument Thai que je ne maitrise pas et des harmonicas. C’était faible sur le plan musical. Cette fois, j’ai recommencé la performance avec mon nouveau saxo.

J’ai demandé à tout un tas de gens dans la rue de me filmer avec mon smart. Ils ont fait du bon boulot, j’ai des bonnes images ! Il y avait tellement d’eau partout que j’ai arrêté juste avant de bousiller mon téléphone. J’avais fait une première sauvegarde des images et une pause pour me sécher dans l’appartement. La deuxième sauvegarde, après une seconde plongée dans la foule en jouant du saxo, le smart avait détectée l’humidité et s’était mis en sonnerie d’alerte. J’avais reçu des tonnes d’eau et j’étais trempé jusqu’à l’os, le téléphone noyé. J’ai monté la première partie de la vidéo en une heure sur mon ordi grâce à l’excellent « Da Vinci Resolve ». Je l’ai postée de suite sur Facebook et Instagram en guise d’adieu à mes amis. Je rentrai à Paris le surlendemain. C’est toujours casse-gueule de jouer des notes justes au milieu des sonos qui jouent une techno qui fausse le discours du saxo. Je jouais la « Samba Saravah » comme thème et fil conducteur de l’improvisation et comme hommage à mon ancien label fondé par Pierre Barouh. J’étais content du résultat, content d’avoir tenu bon et d’avoir joué de manière créative cette performance. C’était entre 16 et 17 heures. Le maximum de monde arrive vers la tombée de la nuit à 19h. Vers 22h, la fête s’arrête soudainement. Reste quelques mecs complètement bourrés avec des sonos hurlantes mais tout se calme. Ce festival de Songkran est l’ancêtres des techno parades et le cousin des fêtes religieuses d’Amérique Latine.


saxo for Songkran Festival, Thai New Year 2561 in Jomtien & Thai New Year 2566 in Bangkok