Danse contact à Bangkok

J’étais invité par Nitipat Ong Pholchai à jouer du saxo dans son cours hebdomadaire de « danse contact » au Yellow Lane, lieu luxueux à la fois workplace pour geek, bar-restaurant, salle de concert orientée nouvelle technologie et salle de danse avec parquet verni. Ce lieu est caché tout au bout d’une ruelle verdoyante qui prend naissance au milieu du boulevard vrombissant de circulation entre des tours d’immeubles immenses. La danse « contact improvisation » fut inventée comme beaucoup de choses géniales au début des années soixante-dix. Avant de commencer la séance, je pensais manger vite fait un plat de street food comme il y en a partout dans Bangkok. Mais ici le quartier est tellement chic qu’il n’y a ni Seven Eleven ni street-food à l’horizon. Une adorable femme chinoise qui fait partie de la troupe de danseurs m’a commandé à diner je ne sais où, dix minutes plus tard, elle me fait un petit signe : un plat chaud était posé à côté de mes affaires. J’étais sidéré ! J’ai mangé. C’était bon, mais j’ai renversé la sauce sur mon pantalon. D’habitude je ne mange jamais avant de jouer. J’étais perturbé. Je croyais avoir perdu le collier qui tient le saxo accroché au cou alors qu’il était caché sous ma chemise. J’ai joué pendant deux heures en tenant mon saxo à bout de bras ce qui est très fatiguant. N’importe quoi… Je n’étais pas préparé à jouer pour les danseurs. J’ai improvisé en solo, puis j’ai essayé quelques mouvements. Je ne peux quasi plus me plier, assiégé par l’arthrose ou je ne sais quelle maladie. Les souvenirs d’il y a 40 ans où j’avais participé à un spectacle de « danse contact » à Paris avec Didier Silhol me sont revenus douloureusement. Avant j’étais hyper souple ! La vieillesse me surveille. La déchéance du corps me gagne. Yu-Chien Cheng, cette danseuse chinoise m’a prise dans ses bras et j’ai mesuré avec émotion la distance parcourue au cours des années. Le problème de la danse contact est que des séquences près du corps, très sensuelles peuvent induire en erreur. Je suis tombé instantanément amoureux d’elle. Le pire est qu’une fois la séance terminée, au lieu d’attendre la fille pour rentrer avec elle, j’ai sauté sur l’invitation d’un des danseurs qui me raccompagnait sur le boulevard en moto puis j’ai pris un taxi. Ensuite j’ai envoyé plein de messages à la danseuse qui était rentrée en métro. Elle m’a répondu avec beaucoup de distance.