Fin du CD, faillite des labels, chute des studios, streaming payé une misère, vidéo musique enregistrée n'importe comment sur smartphone, écritures diverses
Ta première lettre m’avait beaucoup touchée et m’avait donné envie d’écouter ce fameux concert qui va être réédité par Jean_Marc mais je ne retrouve pas le fichier.
Question de Stuart Broomer pour les notes de pochette d’une édition d’un concert Axolotl à Oloron Sainte Marie en 1982 (?) chez « Fou Record ». Enrégistré et édité par Jean-Marc Foussat. Sortira bientôt.
Ta première lettre m’avait beaucoup touchée et m’avait donné envie d’écouter ce fameux concert qui va être réédité par Jean_Marc mais je ne retrouve pas le fichier.
Les dates : impossible de détailler entre 1979 et 1984, merci de consulter ma bio : https://etiennebrunet.fr et mon site entier. Axolotl ne fut que le début de ma carrière de musicien. Je suis toujours actif contrairement à mes deux acolytes qui ont arrêté la musique depuis longtemps. Axolotl est extrêmement loin. J’ai toujours avancé sans me retourner ni regarder derrière moi. Axolotl terminé, je n’avais plus jamais voulu en entendre parler.
Je suis aussi, comme vous, extrêmement troublé et déconcentré par le retour de Trump au pouvoir (la marionnette de Poutine). J’ai de plus en plus de mal à me concentrer à cause de mon âge qui avance (j’ai 71 ans) et le présent qui recule entre délire politique et absurdité numérique.
Je viens de la musique classique occidentale. Ma mère est morte quand j’avais six ans et je m’étais retrouvé pendant deux ans chez ma grand-mère et ma tante qui était choriste à l’opéra de Nice. J’avais été embarqué pour chanter dans les chœurs d’enfants comme ceux de Carmen. Je ne m’en suis jamais remis. Les lumières, les costumes, l’orchestre spectaculaire et surtout le concept d’amour et de mort qui traverse l’opéra. Ensuite, j’ai eu une enfance vraiment merdique. J’ai repris la musique en autodidacte vers 16 ans. J’étais devenu un révolté fou furieux contre la société. Ce n’était pas original à l’époque. Je m’étais mis à haïr la musique classique et j’avais plongé dans le free-jazz de Sun Ra, Art Ensemble, Coltrane, Dolphy, Lacy, Daunik Lazro (un ami français à l’époque) et aussi le rock psychédélique avec Hendrix, les Doors, Beefheart, Soft Machine etc. À l’âge de 20 ans, j’étais parti au Mexique pendant un an avec l’argent que j’avais gagné. On trouvait plus facilement du travail à l’époque. J’étais sur les traces de Kerouac. A San Christobal de las Casas, j’avais décidé de consacrer ma vie à la musique lorsqu’un Indien m’avait tendu un violon en contre-plaqué que j’avais refusé. Deux minutes après j’avais compris que c’était le signe du destin. La magie des Mayas était omniprésente dans l’état du Chiapas. Je me suis tenu à ce signe mystique toute ma vie.
Rentré à Paris, j’avais rencontré Marc Dufourd chez des amis deux ou trois ans après. On avait commencé à jouer ensemble dans le style d’un duo de français de l’époque : Claude Bernard et Raymond Boni. On avait été engagé pour faire un premier concert au théâtre Dunois. Peu de temps avant, Marc était arrivé avec le disque du « London Concert » de Derek Bailey et Evan Parker. Lumière ! On avait flashé tous les deux sur cette esthétique géniale et révolutionnaire. Du jour au lendemain on s’était mis à jouer dans ce style plus ou moins non idiomatique. Ensuite j’avais rencontré Jacques au festival de Chateauvalon dans le sud de la France, dans le grand orchestre que Steve Lacy avait formé avec des stagiaires. Nous avions beaucoup joué en trio pendant 2 ou 3 ans, répétitions, concerts et disque. Nous étions très actifs. Le temps avait défilé à toute allure et les influences auxquelles nous étions exposés faisaient leur œuvre corosive. Nous avions en commun d’avoir glissé vers le punk, la no wave de NY et des groupes comme Père Ubu. A ce moment nous avions embauché deux batteurs pour quelques concerts qui tournaient au free-punk. Notre esthétique, cohérente au début, s’était transformée en un cocktail de contradictions insolubles. Moi, entre temps j’avais été boursier du centre de musique contemporaine Acanthe et j’avais étudié le théâtre musical avec Mauricio Kagel. Une voie tout à fait différente. Le second disque témoigne de l’impossibilité de jouer un tout cohérent. Après quatre ans d’activité réjouissante, nous n’étions plus d’accord sur rien ! Nous étions déjà fâchés à la sortie du deuxième disque. Marc s’était retiré du jeu pour je ne sais quelle raison. Nous avions fait un clip vidéo pour la sortie du disque avec Larry Flash, un vidéaste à fond dans cette nouvelle direction du clip début MTV. A l’époque aucun groupe de free ou de jazz n’aurait touché à la vidéo, la considérant comme hautement toxique.
Je prépare actuellement un disque solo pour le label « Relative Pitch Records » de NY. Je passe plusieurs mois par an en Thaïlande. J’écris beaucoup dont « Web Web Opérette » jamais monté.
Les deux mails de Stuart :
Dear Etienne, Marc and Jacques, (Etienne, I pasted the previous letter, that you didn’t see, at the bottom), Jean-Marc also copied.
Marc, I enjoyed the guitar solo tremendously. On my previous listen I hadn’t realized it was an acoustic guitar—sounded like an electric with high action.
Please answer individually, to whatever extent you wish. I can’t claim great familiarity with French free jazz in the 1980s. If you’re happy with one member acting as spokesperson, I’m happy to deal with that though I’d appreciate at least some input from each member?
I hate asking questions because I assume you probably have a sense of what’s important to you about your work. How long was the group active? What were your particular musical backgrounds when the trio first assembled? Who were your principal interests and influences? How quickly did the music mesh for you? I’m impressed by the high degree of interactive listening and playing. 11 07 81 is that 11 Juillet 1981? Was there a period of intense activity between “three days in spring” and July 11? I know this could just be studio and live differences, but the extended works of the concert seem more developed..
How long did the trio exist before adding bass and drums? When did the group end?
For me, the brilliance of the music consists in the intensely interactive/responsive bits generated by each of the three musicians, including the sudden shifts in response to an individual change in direction, the almost composed ending to Track 1, a perfect summation to the massed detail that immediately precedes it.
Earlier Note
An apology for writing in English, but it’s my only functional language. I can haltingly read French, but composition is beyond me. I’m happy to receive replies in French and will do my best with your responses.
Above all, I also have to apologize for how long it has taken me to contact you and how long it’s taken me to begin writing about the music. The causes of my delay are multiple — from my lack of familiarity with Axolotl’s history to the music’s brilliance and originality and the general press of geo-political chaos. I know the latter is presently near universal, but it feels particularly intense when living 50 kilometers across a lake from New York state and hearing about possible impoverishment and annexation of one’s country, shades of Czechoslovakia in 1939. My attention span and powers of concentration have not been up to their usual standard. Should you wish to cancel my participation, I would certainly understand and would respond with a rave review somewhere when the CD is released.
Rather than pose questions, beyond the trio’s origins and intentions, I would like to know your own thoughts.
Usually when I write a liner note I feel like I’m engaging as a listener writing from experience. When I first listened to Axolotl, I gradually realized I was listening from the opposite pole, innocence. There’s both the pleasure of hearing something “new” and a certain sense of loss coming from not hearing it 45 years ago. The music from Oloron Saint-Marie is both highly original and remarkably achieved. My first associations – from the spare and special instrumentation, the degree of interactivity and spontaneous organization – suggested to me phases of Jimmy Giuffre’s from the two-wind/guitar instrumentation of the late ‘50s. to the spontaneous interactivity of the great early ‘60s trios. However, your music is radically different in its concentrated, shifting detail.
Your trio creates rich, continuous music through a dense concentration of microscopic, interactive bits, a kind of constantly changing mosaic of elements. I realize, of course, that you must know this, but I would be more than happy to explore its appearance in various phases of the concert recording in the note. The effect of the instrumentation is tremendous clarity, complexity and detail. I’m not sure how the amphibious name applies and was surprised both to find little material on-line about the group and its limited recordings, as well as the recent use of the name by a far less interesting group.
Should you still wish to go ahead with my participation, I would appreciate anything any of you might wish to say about the trio’s conception, musical intentions and career and will do my best to integrate them into a liner note.
My thanks in advance for anything you might wish to provide, and again my apologies.
L’élégance du jeu dans les orchestres d’Ernesto est de ne pas se mettre en avant. L’ensemble donne presque l’impression confortable de la musique répétitive. Isotope is the Top !
Casa di Comum 22 – 24 novembre 2024 (Merci à Nuno Martins pour les photos) Ernesto, voix grave, regard bleu, violon alto et organisateur du Creativ Festival depuis dix-huit ans. Ultime refuge de la Free Music historique de la vieille Europe. Lisbonne a pris le relais de Londres, Berlin, Amsterdam. La différence avec les Festivals des années 80 en Europe du Nord est qu’il y a maintenant plus de femmes musiciennes et plus de public féminin. Bien sûr il y avait Irène Schweizer, Annick Nozati, Lindsay Cooper et quelques autres pionnières dans chaque pays… L’aventure Free Music a évolué vers une mixité sans autre forme de parité que la créativité. Malheureusement, depuis le Covid, la ville est en voie de gentrification accélérée. Le cout des loyers et des hôtels s’envole, les prix sont inflationnistes comme partout. Place au tourisme de luxe. Historiquement, les artistes et les musiciens toujours fauchés s’installaient dans les villes où la vie était bon marché. Dans les années 70 c’était Brooklyn à NY, dans les années 90 Berlin après la chute du mur. Pendant longtemps, Lisbonne faisait partie des villes où l’on pouvait vivre cool pour pas cher. Maintenant, les musiciens s’éparpillent partout et nulle part. Les artistes se cachent à la campagne du moment qu’il y a du wifi pour être connecté au monde. Ce Festival est comme un rayon de soleil qui perce derrière les nuages de la mondialisation.
Ouverture : le groupe Arpyies composé de la grande Maria Do Mar au violon; Catarina Silva : cor d’harmonie, instrument rarissime échappé de l’orchestre symphonique et Ana Albino très discrète guitariste, élégante comme un courant d’électricité imperceptible traversant l’âme. Les filles entre elles font du bon boulot ! Good music ! Deuxième trio de la soirée Karoline Leblanc au piano, Fred Lonberg-Holm au violoncelle électrifié et Paulo Ferreira Lopes batterie (deux cymbales, une caisse claire, des chiffons et mailloches douces). Écoute intense de l’ordre de la télépathie entre les musiciens. Érotisme sublimé dans la virtuosité du discours. Les oreilles s’installent dans un niveau confortable de décibels modérés. Dernier groupe de la soirée : la frêle saxophoniste alto Joana Sá (mais brillante instrumentiste) campée entre deux gaillards du mur de son, Messieurs Abdul Moimême et Carlos Santos. Les deux mecs pilotent des synthés analogiques qui balancent de l’infra-basse cardiaque au sifflement aigu vénéneux. La jeune femme très décontractée explore le monde des doubles sons situés dans la palette des techniques étendues de jeu de saxo. Solide culture classique cachée par la modernité du discours. Un set à la fois statique comme si ne fut jouée qu’une seule note d’une demi-heure et mobile comme un kaléidoscope de timbres toujours changeant. La saxophoniste plane comme un ange au dessus des synthétiseurs (ou comme un drone survolant la technologie mystique).
En paraphrasant la théorie quantique, je peux affirmer que le seul fait d’écouter un objet sonore le transforme dans les méninges de l’auditeur. Écrire un compte-rendu de musique improvisée est quasi impossible, surtout le deuxième jour où j’étais programmé. J’aime faire le vide dans mon esprit avant de jouer. Cette fois j’étais submergé de sons et d’idées, assis sagement à écouter les autres, avant de jouer. Début de soirée : Guilherme Rodrigues au violoncelle, Maria Radich voix et Richard Scott synthétiseurs analogiques. Écoute très réactive entre les musiciens. Très belle sonorité du violoncelle mélangé aux modules du synthé. Maria survole les deux gaillards avec sa voix gutturale et grave. Elle harangue le public de douces onomatopées. Prophète féminin de la free music. Elle transforme le public en poussière de son. Elle avale l’instant sonore et emmène la musique dans la voie où personne ne va : l’inconnu lyrique. Deuxième groupe : Carlos Zingaro au violon, João Madeira à la contrebasse et Carlos Bechegas à la flûte traversière. João qui m’a aimablement logé pendant mon séjour et Zingaro que j’avais connu il y a 45 ans dans l’atelier de Steve Lacy au Festival de Chateauvallon (France). Leur trio est extrêmement virtuose. La double croche est l’unité de base de leur discours. Ils foncent dans l’inconnu dans le plus pur style Free Music.
Ensuite j’ai joué avec le trio Siècle Minute avec Miguel Mira au violoncelle et Monsieur Trinité aux percussions, un de mes plus vieux amis, je le connais depuis 53 ans. Un siècle = 52560000 minutes. Nous n’avions pas fait de soundcheck pour des circonstances malheureuses d’organisation. Des groupes avaient été intervertis dans l’ordre du concert au dernier moment. J’ai eu l’impression que nous avions bien joué. Je n’ai pu récupérer aucun enregistrement ni vidéo, alors je ne peux me prononcer. Impossible d’être juge et partie. C’était un grand plaisir d’improviser avec ces deux gars. Ils ont particulièrement bien joué ce soir là. Nous totalisons presque deux siècles d’âge à trois bonhommes. Ensuite j’ai parlé au bar de la « Casa do Comum » avec une femme très sexy. J’étais assourdi par le bruit des conversations et je n’ai rien compris de ce qu’elle me racontais en anglais. Je suis sourd d’une oreille et l’après-concert dans un bar archi-comble était une torture mentale. Avait-elle aimé notre concert ou m’expliquait-elle pourquoi quelque chose n’allait pas ? J’ai eu un doute. Elle m’aurait proposé de coucher avec elle que je n’aurais pas non plus compris. La musique improvisée est un moment privilégié qui disparait ensuite dans la sensation du souvenir mastiqué par la mémoire avant d’être recraché dans l’oubli…
le trio Siècle Minute avec Miguel Mira au violoncelle et Monsieur Trinité aux percussions, un de mes plus vieux amis, je le connais depuis 53 ans. Un siècle = 52560000 minutes.
Troisième et dernier jour. Flak, guitare électrique entourée par deux femmes : Carla Santana aux synthétiseurs analogiques et Luisa Goncalves au piano. Duo entre les deux instruments harmoniques de Luisa et Flak avec ponctuations de Carla (avec qui j’avais eu le plaisir de jouer avant le Covid) qui balance quatre formes d’onde générant un bruit industriel menaçant. Ensuite, elle sample des goutes d’eau suintant dans un atterrissage poétique de fusion bruit et musique. Jouent en deuxième Ernesto Rodrigues au violon alto, Jung-Jae Kim au saxo ténor et Alvaro Rosso à la contrebasse. J’avais eu par le passé l’honneur de jouer avec Alvaro et aussi avec Ernesto, organisateur du Festival. Ernesto à fond de train acoustique avec un archet en forme d’arc pour viser au cœur de l’improvisation. Alvaro trace le chemin en pur virtuose et le jeune saxo Coréen du Sud accompagne en sons multiphoniques très doux pas agressifs comme c’est souvent cas au saxo. Son souffle est un mélange d’Evan Parker dans le gant de velours de Ben Webster. J’étais conquis par son jeu. Ensuite, pour finir la soirée avant le grand orchestre Isotope : Nuno Torres au saxo alto, João Silva à la trompette avec sourdine et André Hencleeday, jeune gars couvert de tatouages, au piano avec clavier fermé. Pianiste virtuose de formation classique, il a décidé de ne pas toucher les touches de nacre pour communiquer avec le public. Il passera tout le concert debout, plié dans la table d’harmonie du clavier avec divers cymbales, woodblocks et objets. Le saxo joue quelques multiphoniques très doux puis on entendra le souffle mêlé à celui de la trompette dans un discours ultra minimaliste dans l’esprit du groupe IKB d’Ernesto. Esthétique néo-cagienne très radicale. Mise en espace de microparticules sonores à peine audibles contenues dans ce qu’il est convenu d’appeler le silence.
Pour finir la soirée, le grand orchestre Isotope. Il est dimanche 22 heures. Le programme annonçait la fin du Festival à 21h. La jeune femme ingénieur du son et régisseuse annonce qu’elle s’en va ! Attitude syndicaliste robuste… Elle a fini son boulot ! Pour un gars de ma génération, il est inconcevable qu’un responsable d’un Festival de Free Music quitte le navire avant la fin. Engueulades générales. Confusion. Coup de téléphone au patron qui envoie son fils pour prendre le relais et permettre à la fin de se dérouler : un orchestre d’une vingtaine de musiciens ayant participé aux trois jours de festival venus pour une improvisation collective. La moitié du public est partie. La confusion aura duré une bonne demi-heure. J’ai réussi à lancer la vidéo générative que j’avais préparée sur le logiciel TouchDesigner, une sorte de peinture électronique générée par des algorithmes complexes gouvernés par le hasard (non par l’Intelligence artificielle). Du coup, j’étais le dernier à m’installer sur scène et j’étais coincé en équilibre instable entre deux saxophonistes et la pianiste. Cette fois, Ernesto ne fait pas mine de diriger l’orchestre. Il joue en regardant le public qui est resté. Écoute intense. Le niveau sonore assez retenu n’atteint jamais le triple forte. L’élégance du jeu dans les orchestres d’Ernesto est de ne pas se mettre en avant. L’ensemble donne presque l’impression confortable de la musique répétitive. Isotope is theTop !
White noise. Pink noise. Brownian noise. Blue noise. Red noise. Tattoo noise. Thai noise. Europa noise. Bye bye noise. House noise. Jetlag noise. Sex noise. Fuck noise…
Extrait de mon journal avant le concert : Ce n’est pas le moment de faiblir et encore moins de douter de moi. Je dois préparer sérieusement le concert à Noise House Lat Phrao de Bangkok. Des gens croient en moi et attendent une bonne performance de ma part. Mon set electro fonctionne bien. Je dois me concentrer et m’organiser. J’ai préparé des samples comme un poème pour « Vocoder » pour ce duo « Thai Tattoo Europa Bye ».
White noise. Pink noise. Brownian noise. Blue noise. Red noise. Tattoo noise. Thai noise. Europa noise. Bye bye noise. House noise. Jetlag noise. Sex noise. Fuck noise…
L’électro un jour ça fonctionne et l’autre pas… Est-ce mon oreille qui entend un truc différent le lendemain ou mon mental qui ne comprend soudainement plus rien. Je croyais maitriser une configuration informatique sur « Live d’Ableton », mais j’ai tout oublié. La chaleur excessive dissous mes connaissances et surchauffe le processeur de mon ordinateur. Pour quelle raison rajouter une couche de sonorité électronique au son acoustique du saxophone, comme une couche de peinture affreuse sur une statue en marbre ou en or. Pourquoi brouiller le pur son du saxophone avec une avalanche de filtres, déphasage, écho ou ring modulator (addition plus soustraction de fréquence). Depuis mon ancien trio « Ring Sax Modulator », je définis cette démarche comme une métaphore de maladie électronique qui ronge le son du saxophone. J’hésite à continuer : mon matériel électronique de voyage est constitué de bric et de broc. Je préfère ne pas utiliser mon projet si je ne suis pas sûr de sa robustesse sur scène. Qui peut le plus peut le moins. Peut-être qu’un ou deux réglages sauvages pourront fonctionner. Le public de « la maison du bruit » adore les trucs expérimentaux et plutôt bruyants.
Extrait de mon journal après le concert : Je n’ai pas utilisé le poème Vocoder. J’ai fait le concert en duo avec Wannarit Pongprayoon : « Thai Tattoo Europa Bye ». La musique était réussie au delà de mes espérances mais le public de Noise House Lat Phrao n’était pas au rendez-vous. Le mixage de notre duo, à l’écoute de l’enregistrement, était plutôt raté : Wannarit aux synthétiseurs est trop derrière et moi trop devant dans l’espace stéréo. Je demande toujours une réverbération longue pour rentrer dans le mix surtout face à des machines synthétiques. Mais cette fois c’est l’inverse, on a l’impression que ce sont les machines qui sont en dehors du mix ! C’est un comble ! De plus le mélange saxo naturel et son du saxo transformé par Moogerfooger mets trop le son naturel en avant. Ce n’était pas évident à mixer et les deux jeunes à la console de mixage n’avaient aucune expérience. Ceci dit j’étais très heureux de jouer et je trouve le résultat super. C’est une des rares fois ou je ne suis pas furieux après moi de m’entendre. Il y avait deux autres groupes à l’affiche : Kota Amatuti Taki guitariste japonais dans le style bruitiste violent de Sonny Sharrock et B35 où joue mon ami Don Pengboon. Le leader est Kantaphong, excellent et dynamique joueur du traditionnel hautbois « Pi Nai ». Musique très originale, free jazz avec une thématique traditionnelle de musique Thai. Je suis très concerné par cette démarche. Kantaphong est aussi un photographe pertinent. Il a fait une série de photos très originales du duo. J’ai laissé ma valise à Jomtien et mes instruments de musique à la salle de concert. Je vais voyager léger. Fin des trois prestations vers 23h. Je m’apprêtais à retourner à mon hôtel quand une pluie tropicale s’est mise à dégringoler. Des flots de pluie tombent du ciel. Impossible de quitter la « Noise House ». J’étais épuisé de fatigue.
Le principe de ces vidéos est un Hommage à Cornelius Cardew & The Scratch Orchestra : au lieu de graphismes servant de partition, c’est la vidéo qui visualise la partition, au contraire du vidéo-clip.
J’ai essayé de maîtriser ce qui m’arrivait, à la manière de l’expérience du Peyotl chez les chamans indiens (sorte de voyage aller-retour vers la mort grâce à l’intoxication par le Peyotl). Finalement les tremblements se sont arrêtés. C’était une intoxication intestinale due à l’alimentation. Street food ou bactérie d’un esquimau glacé industriel ?
Le soir suivant, j’ai fait le concert Bangkok Scratch avec Pengboon Don dans la superbe salle « House of Tri », j’ai souffert, mais ça s’est bien passé. J’ai assuré comme on dit chez les musiciens. Mais en réalité, je n’ai pas bien joué. Certaines fois, la fièvre aide à se surpasser en jouant du saxo à haut niveau. J’étais déconcentré. J’avais mal calé le lancement de la vidéo : il manquait les dix premières minutes. Le principe de ces vidéos est un Hommage à Cornelius Cardew & The Scratch Orchestra : au lieu de graphismes servant de partition, c’est la vidéo qui visualise la partition. C’est le contraire du vidéo-clip. J’avais déjà présenté ce projet plusieurs fois à Lisbonne. J’ai pu vérifier que le public apprécie cette démarche jouissive et esthétique. La vidéo fascine dans son rapport ultra subjectif à la musique. C’est malheureux que je ne puisse montrer « Bangkok Scratch » plus souvent. Je suis désabusé. J’ai raté ma carrière de musicien. Ce projet aurait eu du succès dans les festivals si j’avais eu un soutien commercial. Tant pis. Le principal est de l’avoir expérimenté plusieurs fois. J’ai souvent imaginé et rêvé de choses grandioses et géniales mais je n’ai plus abouti à des résultats publics depuis la fin de mon contrat avec Saravah. Je suis un musicien cent pour cent « underground » même si je suis répertorié dans le « Le dictionnaire du Jazz ».
Il y avait à la même affiche l’excellent duo suisse « I’m nobody » musique techno baroque puis « Who Cares » des Australiens sympathiques mais j’étais malade et ne les ai pas écouté et les Russes de « Wetdreamexciter » de Aleksei Kolesnikov et Vera Masyutina
La clarinette basse est le meilleur instrument pour accompagner la voix humaine. Le saxo est trop claironnant et prends trop de place dans l’espace sonore.
22 mars, Soirée très réussie Doc(k)s Never Dies à l’atelier Zéro-Un de Marie-José Pillet. J’accompagnais à la clarinette-basse Julien Blaine (je n’ai pas récupéré de photos) et aussi Guylaine Monnier sur son dernier poème. La soirée fut filmée en super 8 super neuf par François Massut. C’était une soirée pour la sortie de la revue Doc(k)s avec Julien Blaine, Guylaine Monnier, Caroline Tricotelle et Ma Decheng (Photos Pauline Andreu, Brunet et X)
Jason Weiss le 25 mars au « Souffle Continu ». Jason Weiss lit son livre Listenings et je l’accompagne à la Clarinette-basse. « Listenings » contient une centaine de textes courts, autour du thème de l’écoute, dont la moitié traite de musique… La plupart des textes sont en anglais, un ou deux, traduits en français. Très belle soirée. Photos Seamas McSwiney.
La clarinette basse est le meilleur instrument pour accompagner la voix humaine. Le saxo est trop claironnant et prends trop de place dans l’espace sonore. Mais en écoutant les enregistrements j’étais assez mécontent de ce que j’avais joué. Maintenant, je m’enregistre systématiquement quand je travaille mon instrument. Comme ça, chaque jour je ne laisse passer aucune erreur et je m’insulte pour chaque fausse note au soprano qui est un instrument aussi périlleux que la clarinette basse.