Poetry in Red

J’ai participé le 27 octobre à « Poetry in Red » par Plubploy Sirata avec le guitariste Sirapob Chanapai. Performance épatante au WDLOTM toujours dans le quartier chinois. Bangkok me fait penser au Berlin des années deux mille avec un grand nombre d’endroits underground hyper bluffant. La femme sexy hoochie-coochie à la barre de pôle danse déclame des textes violents sur la difficulté de vivre la solitude. Son spectacle en construction est incroyablement original : mélange de texte, de musique, de chansons, de pole-dance. Elle exprime une interrogation sexuelle et poétique dans le pays des bars à gogo-girl, coyote-girl et strip-teaseuse. Une fois la performance terminée, j’avais une énergie sexuelle à brûler d’urgence avant de me consumer. Merci à Constantinos Catsoulis et Nitipat Ong Pholchai pour les photos. Le 9 novembre 2023, nouvelle performance avec cette fois Don Pengboon mon guitariste favori à « Noise House Lat Phrao » ce lieu autogéré par les musiciens issus du mouvement « Bangkok Street Noise ». Cette fois la performance était exceptionnellement réussie et il semblerait qu’il n’y ai eu ni vidéo ni enregistrement et très peu de photos.

Danse contact à Bangkok

J’étais invité par Nitipat Ong Pholchai à jouer du saxo dans son cours hebdomadaire de « danse contact » au Yellow Lane, lieu luxueux à la fois workplace pour geek, bar-restaurant, salle de concert orientée nouvelle technologie et salle de danse avec parquet verni. Ce lieu est caché tout au bout d’une ruelle verdoyante qui prend naissance au milieu du boulevard vrombissant de circulation entre des tours d’immeubles immenses. La danse « contact improvisation » fut inventée comme beaucoup de choses géniales au début des années soixante-dix. Avant de commencer la séance, je pensais manger vite fait un plat de street food comme il y en a partout dans Bangkok. Mais ici le quartier est tellement chic qu’il n’y a ni Seven Eleven ni street-food à l’horizon. Une adorable femme chinoise qui fait partie de la troupe de danseurs m’a commandé à diner je ne sais où, dix minutes plus tard, elle me fait un petit signe : un plat chaud était posé à côté de mes affaires. J’étais sidéré ! J’ai mangé. C’était bon, mais j’ai renversé la sauce sur mon pantalon. D’habitude je ne mange jamais avant de jouer. J’étais perturbé. Je croyais avoir perdu le collier qui tient le saxo accroché au cou alors qu’il était caché sous ma chemise. J’ai joué pendant deux heures en tenant mon saxo à bout de bras ce qui est très fatiguant. N’importe quoi… Je n’étais pas préparé à jouer pour les danseurs. J’ai improvisé en solo, puis j’ai essayé quelques mouvements. Je ne peux quasi plus me plier, assiégé par l’arthrose ou je ne sais quelle maladie. Les souvenirs d’il y a 40 ans où j’avais participé à un spectacle de « danse contact » à Paris avec Didier Silhol me sont revenus douloureusement. Avant j’étais hyper souple ! La vieillesse me surveille. La déchéance du corps me gagne. Yu-Chien Cheng, cette danseuse chinoise m’a prise dans ses bras et j’ai mesuré avec émotion la distance parcourue au cours des années. Le problème de la danse contact est que des séquences près du corps, très sensuelles peuvent induire en erreur. Je suis tombé instantanément amoureux d’elle. Le pire est qu’une fois la séance terminée, au lieu d’attendre la fille pour rentrer avec elle, j’ai sauté sur l’invitation d’un des danseurs qui me raccompagnait sur le boulevard en moto puis j’ai pris un taxi. Ensuite j’ai envoyé plein de messages à la danseuse qui était rentrée en métro. Elle m’a répondu avec beaucoup de distance.

J’avais déjà joué à la « Noise House Lat Phrao » et je m’étais déjà salement perdu. Cette fois, j’ai pris un Bolt espérant arriver sans encombre, mais l’application a systématiquement mal interprété l’adresse de la salle de concert. Un cauchemar avec prise de tête du chauffeur. Il suit aveuglément l’application et n’a pas la moindre idée d’où il se situe dans la ville. J’ai beau lui montrer l’adresse réelle, il s’en fout et continue de suivre les instructions erronées de la machine. Il obéirait si l’application lui ordonnait de jeter la voiture dans le fleuve. « La mort par GPS ». Notre futur s’annonce mal : les gens apprennent à obéir aux machines automatiques. Réellement…

Il y avait trois duos à l’affiche ce 6 janvier 2024. Premier groupe au programme : Hamtanid + Yimhamm. Un couple de jeunes Thai, guitare et flûte d’obédience classique. Bons musiciens avec une esthétique contemporaine et un œil tourné vers la jazz, mais sans improvisation. Ensuite : moi avec Don. Nous sommes toujours en parfaite osmose. Improvisation totale. Il était convenu que le danseur Nitipat Ong Pholchai intervienne. On trouve l’intégralité de la performance dans la vidéo ci-dessus : « Shadow Dance at Noise House« . Cette fois, Wannarit, le musicien responsable du lieu a filmé notre concert. J’ai pu me rendre compte (en toute modestie) que la musique était bonne. En troisième partie : Nguyen + Transitory. Un duo de deux jeunes femmes vietnamiennes. Elles jouent des synthétiseurs modulaires. Musique très belle et angoissante avec des infrabasses qui me faisaient penser aux tapis de bombes durant la guerre du Vietnam. La jeune génération d’artistes n’a pas oublié le drame de l’histoire récente. Elles sont en quête d’imaginer ce que leurs parents ont vécu. J’avais aussi constaté ce phénomène avec quelques artistes conceptuels exposés au BACC. Mon commentaire est subjectif. Le public était très attentif et enthousiaste, mais réduit à six entrées payantes. Le lieu autogéré a payé 240 BTH plus repas et boissons à chacun des six musiciens. Beauté du geste.

House of Tri (Bangkok)

Mi octobre 2023 à Bangkok, concert à la splendide salle House of Tri. วันนี้ดีมาก ขอบคุณทุกคนที่มาชมกัน ❤️ Concert très réussi avec Praw Watery (voix) Pengboon Don (mon guitariste favori) Sugar Miko et Connor Flynn (Synthétiseur Video). La musique était d’un très haut niveau. Les mots me manquent pour la décrire. J’avais mon magnétophone, mais je n’ai pas enregistré. Je suis comme paralysé par l’idée d’être enregistré et je n’ai rien documenté. J’ai été payé correctement et j’ai eu droit à un repas à la fin. C’est suffisamment rare pour être noté. Merci à Sazibimol Nipatkusol, Woraseth Nipatkusol et Gate Garnglai pour leur accueil. j’ai reçu un lot de photos splendides faites par Rungkarn Yodyoi.

Ring Sax Modulator

Avec mes vieux amis Thierry Negro basse et Erick Borelva batterie nous avons rejoué le répertoire de « Love Try » issue il y a 15 ans d’une culture en laboratoire de la souche « Love Cry » d’Albert Ayler. Maladie électronique. Irruption acoustique. On remonte le trio « Ring Sax Modulator » en plein mois d’aout à Paris. Ce vendredi 4 à 21h au Bab-Ilo jazz club 9 rue des baigneurs juste derrière la mairie du XVIII. « Ring Sax Modulator » reformé à l’initiative des de Thierry Negro. « Love Try » disque sorti chez Saravah il y a 15 ans. De crise du disque en crise sociale on avait arrêté le trio. La musique est une métaphore cyberpunk d’une maladie électronique qui atteint le saxo. Les Moogerfooger dévorent le son en ajoutant la somme plus la différence des fréquences du saxo et du modulateur. Tentative désespérée d’exprimer ce que j’entends dans mon oreille interne. Le summum sera de ne garder que le son acoustique du saxo. Révélation. Jeux numériques. Flamme de l’oreille interne. en spécial guest bro Salmon Claasen aka Steve C au chant qui nous a rejoints en fin de set … Photo MJ Pillet etX.

Effondrement numérique

J’ai recommencé à chercher un éditeur… et j’ai joué sur les quais de la Seine, à Paris. Le « journal des allumés du jazz » est sorti avec un bon texte de moi que je vous donne ci-dessous : « l’effondrement numérique »

La guerre mondiale commence à la suite de la résistance des Ukrainiens à l’envahisseur russe et à l’assassinat de Poutine par une émission de TV à très haute fréquence NFT (nouvelle Fréquence Tueuse). Lors de l’inévitable effondrement numérique qui en découlera, le chœur des médias disparaitra. Silence radio TV Internet. On n’entendra plus rien. Plus de fausses nouvelles ni de vrais mensonges.  Au bout de 3 jours, impossible de retirer de l’argent dans les distributeurs automatiques ni de payer quoi que ce soit avec une carte de crédit. Bitcoins et monnaies virtuelles seront brulés. Les vieux sortiront d’anciens francs de leur chaussette et quelques louis d’or. Il y aura encore de l’électricité, mais le réseau mondial Internet sera cisaillé, les nœuds numériques qui ligotent la planète seront en panne. La multitude de câbles sous-marins ne transportera plus de data à la vitesse de la lumière. 

Tous les documents qui régissent la vie quotidienne auront été dématérialisés. Impossible de toucher salaire, retraite, payer une facture ou prouver que l’on habite bien chez soi. Impossible de s’enfuir puisque les voitures sont commandées par un ordinateur de bord et seront obstinément immobiles même avec du gasoil dans le réservoir. Les avions seront cloués au sol. Les parallèles des rails de chemin de fer se toucheront. Les objets connectés seront inertes dans le vide du radar. Plus de code pour accéder au frigo. Plus de data, plus de rata. Les gens seront affamés. Les hôpitaux en panne à la suite d’attaques massives pour demande de rançon ne pourront plus distribuer d’aspirine. Les hackeurs seront pris de migraines infernales. Les DJ arrêteront de diffuser du bruit binaire. Les Victoires du jazz seront annulées. Le virtuel disparu, la plupart des gens seront encore plus déconnectés du monde réel. Ils seront perdus sans leur smart ! Leur cher doudou numérique. Les gens en pleine panique se mettront à crier dans les rues : « mama, maman » 

Au début de la panne apocalyptique, les Intelligences Artificielles, victime de faux contact due à l’explosion atomique locale (déclenchée par des chiens de guerre incontrôlés), les IA, donc, décidèrent que le bug de l’an 2000 devait se produire en 2023. Elles inversèrent les zéros et les uns. Chaque « zéro » était transformé en « un » et chaque unité ne devenait que dalle. Le réseau INTERNET issu du réseau ARPANET inventé par l’armée américaine pendant la guerre froide pour connecter les systèmes d’arme pouvant continuer à transmettre des instructions si un nœud était détruit. Donc, ce réseau décentralisé était devenu l’inverse de sa conception : une tour de Babel hyper centralisée contenant tous les documents administratifs, financiers, recettes de cuisine, films pornos, horaires et billets de trains et d’avion, bibliothèque, cinémathèque, vitrine de magasins, catalogue d’objets, grosse TV mondiale, etc. Ce fut le système conçu pour être décentralisé qui explosa à force d’être centralisé. Les GAFAM gavés à mort ont crevé comme de vieilles badernes. Et maintenant c’est la misère. Plus rien ne fonctionne. Dans les campagnes on a ressorti ânes gris et canassons marron, mais dans les grandes villes tout est fini. Brouillard épouvantable de l’hiver technonucléaire. 

Que ferai-je lors de l’inévitable effondrement numérique ? J’improviserai des notes de musique dans le désastre ! J’attendrai la fin après avoir joué du saxo.  Avantage du saxo acoustique sur l’ordinateur. Mais l’inspiration s’enfuira, victime de la faim et de la soif. Je ne ferai plus rien. Ne trouvant plus de médicaments, j’arrêterai de m’en gaver. C’est chouette de tout stopper pour aspirer au dernier souffle. Dans ce texte, commencé il y a un siècle et demi, je me suis perdu dans un métavers (un métarouge cryptocommuniste) qui m’a égaré loin du merveilleux monde numérique du capitalisme virtuel. Les mecs richissimes des GAFAM sont réfugiés dans un monde abstrait entièrement séparé des pauvres par des brigades de flics réels spécialisés dans la matraque. Tout recommencera à zéro. Nous les vieux gagas, avec l’effondrement numérique, nous sommes retournés à la merveilleuse année 01. Le monde d’hier où les ordinateurs n’étaient pas portables, confiné seulement dans les murs des usines et bureaux.  Vous souvenez-vous de ce vieux film génial. Il n’est jamais question de zéro ni de un… « L’An 01 est un film français de 1973, réalisé par Jacques Doillon. Il est adapté de la bande dessinée L’An 01 de Gébé, dont le scénario avait été enrichi par les propositions via le courrier des lecteurs, lors de ses publications dans Politique Hebdo, puis Charlie Hebdo. » (Wikipédia) Maintenant, je prierai le Dieu du « Game Over » de rester en vie. J’aurai au moins la satisfaction de ne pas avoir une pub en plein milieu de « Impression » de John Coltrane sur YouTube. Fini les GAFAMistes qui génèrent une fortune en diffusant le patrimoine musical mondial. Faudra retrouver le souvenir mental des musiques disparues dans le chaos global et tenter de les reconstituer. Je claquerai des doigts en syncope en disant : « Ohhh, Oh, catastrophique c’est chic, chic, le freak c’est Chic ».