Lisbonne après le confinement

Dernier jour à Lisbonne près du parc Alameda photo Francisco da Trindade. Improvisation post Covid19 au bord du Tage près du Musée d’art contemporain de Lisbonne avec Francisco da Trindade. Photo Carla Santana

Premier concert de l’après-Covid. Ici comme ailleurs les musiciens ont beaucoup souffert de la pandémie. Au Portugal il n’y a pas de régime des intermittents du spectacle pour soutenir les artistes. Concert dans un club associatif underground nommé Desterro. On trouve l’adresse sur Facebook. L’endroit est situé dans une petite rue tortueuse presque impossible à trouver même pour un Lisboète. Seul le grand GPS venu du satelite est au courant. Le lieu vu de l’extérieur est une sorte de boutique anonyme avec un rideau de fer tiré, juste un ordi allumé lointainement laisse supposer une présence. Une flèche noire indique une sonnette. Une nana cheveu bleu vert vient ouvrir. L’intérieur est immense complètement recouvert de graffitis du sol au plafond. Les lumières ultras tamisées à dominante rougeâtre laissent à peine entrevoir les visages des quelques aficionados qui attendent les musiciens assis autour d’une table ronde. Retrouvailles de mes vieux potes Ernesto Rodrigues violon alto, Miguel Mira violoncelle, Hernâni Faustino basse et José Lencastre saxo ténor. La salle de concert est située au sous-sol, on dirait un club de sexe berlinois tenu par des punks à l’époque de la chute du mur. D’ailleurs un couple de petits jeunes sortent des chiottes l’air satisfait d’avoir terminé leur affaire. En réalité c’est un lieu dédié à la musique techno punk mais ouvert de temps en temps à la free music. Il y a un dédale de salles toutes couvertes de tags, street art, pochoirs, graffitis, affiches etc. La musique démarre sur les chapeaux de roues dans la grande tradition de l’improvisation classique du nord de l’Europe des labels FMP, Incus, ICP etc. J’adore. Ici le label Creative Source domine par son activité proliférante. La régie lumière éclaire des palettes de couleurs très pro et surprenante pour un lieu aussi improbable. Deuxième set : j’ai l’honneur d’être invité à me joindre à eux pour jouer. Plongeon dans l’aventure intense de l’improvisation totale comme seul Lisbonne et Berlin en ont conservé le goût. Virtuosité sans excès de notes inutiles. Retenues et écoute mutuelle. Une sorte d’accord constitué des harmoniques des cinq musiciens ensemble se met à résonner. Les notes se prolongent naturellement de manière presque magique dans un au-delà de l’imaginaire. Visions de l’après-Covid. Palette de nuances déchirées. Kaléidoscope d’idées . Alchimie du futur de la musique.

Ghosts

Sortie de confinement avec mon vieux complice Eric Borelva à la batterie. Cover de Ghosts d’Albert Ayler. Le 30 avril jour international du jazz nous avons fait une petite répétition au Studio Bleu à Paris. Enregistré avec un téléphone portable bien sûr vive le bricolage.

New Fuck Token

Fin mars 2021, je sortais de l’hôpital. J’essayais d’être positif. Je décidais de faire fortune avec les NFT. Ces oeuvres d’art transformées en monnaie virtuelle, filles du Bitcoin. J’ai trouvé une nouvelle cause perdue. Les gens argentés sont prêts à soutenir les artistes. J’essaye de leur vendre des NFT (Non Fongible Token ou New Fuck Token) J’ai mis le prix bien trop cher pour un simple GIF animé : mille dollars pour soutenir les musiciens en période de crise (en l’occurrence pour me soutenir moi). J’espérais inspirer un mouvement de fond partagé par d’autres musiciens qui en ont assez de faire des CD pour rien et de perdre de l’argent en permanence. J’avais conçu un système complexe pour transformer les clés publiques de Bitcoin, Ethereum et portefeuille électronique « Metamask » en musique. Une clé publique comprend de 20 à 30 chiffres ou lettre ne voulant rien dire, un code en forme de mot de passe. Dans la musique classique le solfége anglo-saxon nomme les notes A, B, C etc (La, Si, Do etc) on connait le fameux BACH (Si, La, Do, Sib) ou CAGE (Do, La, Sol, Mi). En parallèle j’avais forgé des petits GIF animés que j’avais déposés sur le site « Opensea ». Ma page s’appelle le « Musée des invendus ». Raté. Échec complet. Je n’ai rien vendu, rien de rien.

ma clé publique pour échanger des fractions de Bitcoin : 1musicpip5WK71jc1Le9pAbCQ2PDkDF5n
ma clé publique pour échanger des fractions d’Ethereum : 0x45e619F699c756f5cDE60C063c99967912a57962
ma « wallet address » Metamask : 0xb580f91d732af56acbd6a9a7e36cad6b2bb67f3f page unsold_museum (vente de NFT sur opensea.io) https://opensea.io/unsold_museum (cette ancienne adresse n’est plus valable), non seulement je n’avais rien vendu mais j’ai fait une erreur de manip en novembre 2022 et j’ai tout perdu. J’ai recommencé avec de nouveaux NFT, une approche très différente et une nouvelle adresse : https://opensea.io/tokensong

Operator : alerte coronavirus

Opérator : opéra mini-top. Un grand écran en fond de scène diffuse une vidéo de circulation de rue très exagérée, images accélérées couleur saturées, mouvement en tous sens, ville futuriste. Sur scène : un musicien joue dans une rue imaginaire.

Un robot monolithe stéréo clignotant diffuse la voix samplée des pensées du musicien en pleine autofiction. Le texte est lu par des voix machines (par exemple Siri VoiceOver d’Apple). Dans un coin de la scène se tient un récitant qui lit simultanément la première partie du texte ci-dessus : Hyper Musik Covéo®. Les théâtres et salles de spectacle sont toujours plus ou moins fermés. Cette pièce musicale est conçue pour être joué chez soin dans la rue ou n’importe où. Le texte suivant peut même être lu simplement sans musique, sans aucun dispositif scénique. 

La maquette sonore de « Operator : alerte coronavirus »
déposé à la SACEM en novembre 2020

(extrait du texte, première partie) Je salue Monsieur l’opérator masqué. Déconfinement. Je ne serre plus la main. Je salue du coude à coude codé sans lettre « u ». La disparition. Coude à coude. Code à code. Pour ne pas se toucher, on s’envoie un code via smartphone avec la dent bleue magique « blue tooth ». La procédure « code à code » signifie « bonjour chez vous ». Une simple poignée de main dit tout de la personalité de l’interlocuteur. Comme la poignée de main est interdite pour cause de Maxi Corona Minus, on ne sait plus rien du profil des gens. Le contrat social est remplacé par la distanciation sociale. De plus avec un masque sur le visage on saisit difficilement la personalité globale des gens. On ne voit ni leur nez, symbole du sexe ni leur bouche qui exprime bien plus que la langue. Plus question de lire sur les lèvres. Le seul truc marant est que le masque emmerde les flics et sabote la reconnaissance faciale. Il s’agit de cliquer « oui » pour accepter les conditions générales d’utilisation du protocole sanitaire, un texte de 25000 pages en petits caractères.  

Opéradrome, Opéra cheap, Opéra tordu, Opérator. En période de crise, je monte mon micro opéra avec les moyens du bord : utilisation des voix humaines samplées par les ingénieurs des âmes de chez Apple et machines automatiques détournées de leur usage, Siri, VoiceOver et compagnie, pour les mettre au service de la création. Avant on utilisait une musique synthétique pour accompagner une vraie voix. Maintenant, j’utilise une voix entièrement synthétique accompagnée par une musique mixte, cent pour cent bio. Avant on utilisait les voix de robots pour jouer science-fiction, style avant-garde. Maintenant j’utilise les vraies voix machines échantillonnées déguisées en voix humaines pour verbaliser mon délire personnel. Style arrière-garde. La machine numérique articule d’humeur égale et neutre. Vocal de confinement. Les voix machines ne postillonnent pas, n’éternuent pas, ne bavent pas, ne gueulent pas. Fantôme de Madame Machin dans Monsieur Machine. 

Les voix samplées de synthèse, robot déguisé en voix humaines, sont partout. Dans les gares, les trains, les aéroports, les répondeurs téléphoniques, les annonces des grands magasins, les discours officiels, les portes d’immeubles, les assenceurs, les pubs sur Internet et même les bandes-annonces de ARTE. Les voix machines sont mélangés avec celles des êtres humains, main dans la main, maman. Madame électrique et Monsieur synthétique. Il flotte dans l’atmosphère une odeur âcre de gel hydroalcoolique. Avatar d’alcool. Tocard Hydro numérique. Coco alcoolique. [Cadenza] musique